Quelques minutes avant la fin du monde...

Encadrée de ses parents, Laya flânait sur le quai. Dernières minutes de liberté avant de réintégrer le corps scolaire. Fort à propos pour elle, elle sifflotait le refrain d'une House of the Rising Sun.

Plus loin derrière elle, son père détaillait infatigablement les détails du Poudlard Express reluisant, émerveillé et follement intéressé par l'engin et son aspect.
Sa mère, superbe comme le soleil, discutait avec un couple "de la haute". Les Malefoy, il lui semblait. Laya sourit doucement: ancienne célébrité, certes, mais célébrité toujours! Les gens les plus haut placés reconnaissaient parfois l'ancienne danseuse qu'elle était et ne manquaient pas de la saluer et se présenter à elle.

- Oh mother tell your children
Not to do what I have done...

Petite hippie parmis la foule, elle était on ne peut plus à l'aise dans ses vêtements moldus. Une longue jupe ample colorée, un joli haut dans les tons clairs, et une mèche de ses longs cheveux enfilée de perles de bois. Un bronzage à faire saliver. Les cheveux au vent, pour changer. Les yeux dorés regrettant déjà ces deux mois passés.

"Tu veux que je t'aide à tirer ta valise, mon Peepee ?"

"Maman, je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler comme ça !"

Depuis qu'on lui a fait -gentiment-remarquer ce que signifiait ce surnom en français, l'adolescent se mit à le détester encore plus. Sa mère ne pouvait donc accepter qu'il grandisse ? Qu'il n'était plus son bébé, son "Peepee à elle" ? Bien sûr, Peter était plus petit que la moyenne, rivalisant en taille avec des Première Années, mais ses boutons trahissaient son adolescence.

Ils étaient au quai 9 3/4 et le garçon était impatient d'être enfin débarassé de son encombrante génitrice pour retrouver ses amis.

Si sa mère savait qu'il dormait à côté d'un loup-garou! Qu'il avait exploré Poudlard presque dans les moindres recoins ces trois premières années avec ses amis ! Certes, il traînait toujours la patte, n'était jamais partant pour une maraude et suivait à contre-coeur...n'empêche qu'il suivait !

Le gryffondor ne disait rien de sa vie à Poudlard à sa mère surprotectrice qu'il haïssait. Il n'était plus le petit garçon naïf de première année, mais il était conscient qu'il y avait encore un fossé par rapport aux savoirs de ses trois amis. Il désespérait de le combler un jour.

*Je suis un cancre, un peu idiot, et qui aurait dû redoubler presque à chaque année ! Je suis passé uniquement grâce à Remus et Laya.*

A propos de Laya..n'était-ce pas elle, habillée étrangement, à cinquante mètres de lui ? Malgré la foule, il n'y avait pas à s'y tromper : des yeux dorés, un teint assez bronzé, de longs cheveux...et une tête de trois kilomètres. Laya était -à sa connaissance- la seule élève mécontente d'aller à Poudlard.

"Il faut que j'y aille, je vais être en retard."

"Ne t'inquiètes pas, mon Peepee à sa mère, le train partira dans plus d'une demi-heure."

"Maman, je t'en prie, je veux seulement retrouver mes amis."

"Et bien, présente-les moi; je ne connais que leurs noms." Elle pinca une des joues rebondies de son fils. "Je voudrais savoir à quoi ressemble tes copains et tes petites copines. Tu as une amoureuse ?"

Peter se désespéra. Il pria pour que Laya n'ait pas tourné la tête.
"Maman, je vais avoir quinze ans."

"Bon, d'accord, je te laisse." Le gryffondor croyait en avoir terminé, il allait se retourner quand il entendit : "Mais il faut que tu embrasses ta mère, mon Peepee."
*Oh non...*

"C'est ça, bisoux !"

Il tourna le dos à sa génitrice, la maudissant intérieurement, et se dirigea vers Laya.

Le regard mordoré passait rapidement en revue l'étalage des romans de gare proposés pour distraire des voyages. Elle lut quelques résumés de dos de couverture. Quasiment tous les mêmes: romances larmoyantes et happy ends sur commande. Elle secoua doucement la tête: elle était adolescente, pas stupide.

Elle eut un instant envie de rejoindre à nouveau ses parents: elle se sentait de plus en plus seule, se rendant compte qu'aucun ami ne venait à sa rencontre. Certains adultes étreignaient leur enfant à tel point que leur tête en devenait violacée. D'autres, généralement parmi les plus aisés, se montraient ostensiblement glaciaux avec leurs héritiers, daignant comme seul contact octroyer une pitchenette sur l'épaule pour corriger un maintien. A cette pensée, elle redressa machinalement l'échine et rentra les épaules.

Ses yeux se posèrent, quelques dizaines de mètres plus loin, sur sa mère, qui s'était à nouveau faite saluer, mais par un autre couple. Elle la détailla, envieuse. Plus tard, que ne pourrait-elle donner pour être comme elle! Miss Jackson senior avait la silhouette longue et élancée des danseuses. Elle dégageait quelque chose de sombre et d'atrocement élégant. Des cheveux noirs impeccablement lissés, moins longs et beaucoup mieux arrangés que la coiffure de sa fille. Des yeux foncés qu'elle avait fardés donnait un côté envoûtant à son visage. Laya expira un léger soupir. Elle était la plus magnifique des mamans qu'on puisse rêver avoir. Et la plus merveilleuse également. Oui, un jour, elle serait comme elle! Elle pinça négligemment une de ses mèches fourchues et la considéra un instant. Un jour, peut-être qu'elle serait comme elle... mais peut-être bien qu'elle n'y arriverait jamais.

Une présence derrière elle la fit se tourner. C'était Peter, Peter en personne! Royal de gaucherie, toutes rondeurs en avant! Il devait bien être planté là depuis quelques minutes, ne sachant pas vraiment comment lui faire signe et la tirer de ses rêveries. Un large et franc sourire illumina son visage.

- Mon Pete! Comme tu m'as manqué!

Le garçon alla gauchement vers son amie lorsqu'il la vit en pleine rêverie. Devait-il lui signaler sa présence ?

*C'est bien la seule fille de son âge qui ne remarque pas qu'on la regarde...*

Il en profita pour examiner plus la jeune serdaigle. Malgré ses quinze ans approchant, Peter avait encore du mal à appréhender Laya comme une fille tel que l'imagine la plupart des garçons de son âge. Peut-être le fait qu'il était encore assez naïf, ou le fait qu'il avait connu Laya dès sa première année et qu'elle a toujours été protectrice avec lui.. il en était au stade "c'est une grande soeur", alors que la jeune fille commençait déjà à attirer des regards d'adolescents masculins bien moins désintéressés que Peter.

Laya remarqua enfin le gros gryffondor et le salua chaleureusement, manifestement contente de le voir. Plaisir partagé par le rouge-et-or.

Mon Pete! Comme tu m'as manqué !

"Coucou Laya ! tu m'as pas mal manqué aussi !"

La jeune fille était assez petite et pourtante, elle dépassait en taille le gros gryffondor; ils se firent une petite accolade amicale ou les gros bras boudinés du gryffon faisaient un contraste étonnant avec les fins membres de la jeune danseuse aux yeux d'or.

"Tu es encore plus bronzée que d'habitude ! Tu es partie où, cette fois ?"

Contrairement à la Troisième année, ou Peter avait mis les pieds dans le plat en parlant de sa joie de revenir à Poudlard, il préféra évoquer les vacances cette fois ci.

La coïncidence était réconfortante pour elle: juste au moment où elle désespérait d'être un jour agréable au regard, il lui faisait remarquer un point positif.

Pete lui avait réellement manqué. Elle avait envie de lui faire découvrir le monde entier et plus encore, alors deux mois sans raconter de conte pédagogique, deux mois sans maladresses rondouillardes, fou-rire entre deux cours ou autres, elle se sentait piaffer d'impatience. Oh oui, ça lui faisait vraiment plaisir de le revoir, même si elle savait pertinemment qu'à nouveau, il préfèrerait partager son voyage avec ses compagnons mieux cotés qu'elle. Elle n'avait pas le luxe de lui en vouloir pour ça: quand on n'a que deux amis, on passe certains caprices.

- J'étais à Paris. C'est fou comme une seule ville peut sembler immense comme une contrée! J'en aurais des choses à te raconter. J'ai commencé à m'intéresser aux chansons françaises, je sais prendre l'accent, et je connais même quelques jurons.

Au fil des rentrées, elle avait pris l'habitude de monopoliser un peu la parole: pour Pete comme pour Severus, leurs vacances étaient toujours déplorables et sinistres. Elle seule avait quelque chose de joyeux à raconter, alors elle ne s'en privait pas.

Son nom lancé lui fit tourner la tête derrière elle. Son père avait rejoint sa mère et ils l'observaient de loin la mine curieuse et amusée. Au début de l'été, elle en avait dit le moins possible sur ses deux amis masculins, craignant de retrouver chez ses parents le syndrome universel du "Aaaah, alors tu as des galants?" Crainte infondée: sa mère poussait la perfection jusqu'à éviter de telles remarques, et semblait tout à fait comprendre que sa fille fréquente des garçons de son âge en tout bien tout honneur. Elle attrapa la main potelée de Pete.

- Oh mais viens, je vais te présenter mes parents!

"Paris ? Tu es allée en France ? J'espère que tout s'est bien apssé. il parait qu'ils sont si pauvres là-bas qu'ils ne mangent que des escargots et des grenouilles !"

*Des chansons françaises ? Les pauvres, ils chantent pour se donner du courage, comme les anciens esclaves...*

Mais Laya fit quelque chose auquel il ne s'attendait pas du tout. Lui prendre la main pour le montrer à... SES PARENTS !:affraid: !! Le gros gryffon passa vite au rouge pivoine. On lui avait toujours dit que présenter quelqu'un du sexe opposé à ses parents équivalait à un contrat de mariage. Et le naïf Peter se sentait bien trop jeune pour cela -et pâs amoureux en plus !

"Non, attends, ce n'est pas une bonne idée, non !!!"

Mais trop tard, son amie le tira vers deux adultes dont l'une ressemblait beaucoup à Laya de par ses yeux d'or. Gêné, pris au dépourvu, confus et maladroit, le peureux gryffon baissa un peu la tête et balbutia un "bonjour" presque inaudible.

*Je me demande si je ne préfèrerais pas la Forêt interdite...*

- Mais si! Tu vas voir, il n'y a rien à craindre!

Tractant allègrement son camarade à travers la foule en gambadant, elle eut tôt fait d'arriver devant ses parents. Ses parents, soit une de ses grandes fiertés. Mais tout de même, la réaction du garçon fut un peu disproportionnée.

Si la mère de Laya fit son possible pour être discrète en masquant son léger fou-rire en toux derrière un index recourbé, son père fit le premier pas pour tenter de le mettre à l'aise et s'accroupit en face de lui.

- Bonjour... Peter, c'est ça? Laya nous a touché deux mots à ton sujet. Il semblerait que tu sois l'un de ses camarades de vadrouille. Comment se passe le quotidien, à Gryffondor?

La belle dame avait enfin respiré un bon coup et semblait être dans de meilleures dispositions pour enjoindre la parole à son époux. Sans s'accroupir, elle se courba élégamment vers le jeune garçon, l'enveloppant dans une légère effluve de lavande.



- J'espère que notre Laya ne t'as pas trop fait tourner en bourrique. Est-elle supportable au quotidien, vu que nous ne sommes pas là pour la surveiller?

Le gros garçon vit le père de Laya. il y avait un air effectivement dans son sourire. Mais il n'aimait pas le voir s'accroupir, comme s'il parlait à un enfant.

*J'ai quinze ans bientôt ! Même si je suis petit, ce n'est pas une raison!*

- Bonjour... Peter, c'est ça? Laya nous a touché deux mots à ton sujet. Il semblerait que tu sois l'un de ses camarades de vadrouille. Comment se passe le quotidien, à Gryffondor?

*Zut! Une interrogation avant l'heure !*

"Euh, oui, c'est Pee-pee, euh, Peter !"
*Deux mots à son sujet ? Pourvu qu'elle ne leur a pas parlé de ma phobie des kangourous !*

"Camarade de vadrouille, c'est beaucoup dire, je suis, un de ses amis, c'est tout. Elle m'aide beaucoup pour mes devoirs *parfois elle m'écrit des passages entiers* et on s'entend bien."
*Ne te mouille pas, surtout ne te mouille pas. Et s'il te propose sa main, refuse !*

"A Gryffondor? Ca se passe bien, rien à dire...on...est rouge et or, c'est la maison du courage, alors on est quotidiennement...courageux."
*C'est complètement idiot, ce que je raconte...*
Voilà que la mère de Laya s'approchait. Peter se disait qu'il avait déjà vu cette tête quelque part. *Mais où ?*
J'espère que notre Laya ne t'as pas trop fait tourner en bourrique. Est-elle supportable au quotidien, vu que nous ne sommes pas là pour la surveiller?

*Mais où l'ai-je déjà vu ??*

"Tourner en ..? Non, bien sûr que non, Laya est adorable, c'est une des plus gentilles filles que je connaisse."

*Tu aurais mieux fait de te taire, ils vont croire que le mariage est conclu !*

"Enfin... On s'entend bien, quoi !"

*Mais où je l'ai vu, cette dame, à la fin ??*

"Excusez-moi...c'est un peu idiot, mais...je ne vous ai pas déjà vu quelque part ?"

Le couple ignora poliment le bredouillement gêné de Peter. Même si sa description de ses journées Gryffondor résultait surtout d'une petite maladresse verbale, l'homme en rit de bon coeur.

- Voilà qui est bien trouvé comme description, et en même temps, personne ne pourra dire le contraire! Il faudra que je retienne ça.

Le compliment tout à fait involontaire et assez bancal du garçon amena un petit sourire en coin à Laya. Certes, elle n'était pas la seule fille qu'il connaissait, mais elle trouvait admirable d'être en tête d'un peloton d'au moins deux ou trois concurrentes. Par contre, l'éclair de culture dont il fit part avec sa question la fit tourner la tête vers lui, sans pouvoir dissimuler une mine étonnée. Sa mère avait également émis un haussement de sourcils plutôt surpris, mais, égale à elle-même, acquiesca avec un gracieux sourire.

- Il est possible que tu aie déjà pu voir un portrait de moi, oui. J'ai dansé un peu partout autour du monde, il paraît même que j'avais un petit succès. Mais je ne pensais plus que des jeunes de ta génération puissent me reconnaître.

Laya embraya à sa suite.

- Maman a été une grande danseuse professionnelle. Elle était très célèbre. Maintenant, elle a pris sa retraite, mais parfois, des gens la reconnaissent et viennent la saluer. Même ici d'ailleurs.

Un portrait de maman-Laya ?

*Mais oui, c'est ça !*

"Oui ! Ma mère a un portrait de vous affiché chez elle ! Lorsque vous étiez jeune, elle était fan de vous, elle a même collé une affiche de vous dans ma chambre quand elle a voulu que j'apprenne la danse !"

Tout de suite après dit cela, le gros gryffon se demandait s'il n'avait pas accumulé les bourdes.
*- Lorsque vous étiez jeune, sous-entendu elle ne l'est plus...*
*- Moi apprenant la danse sous son patronage et vu mon tour de poitrine, elle va s'imaginer que ce n'est pas un bon exemple...*
*- Son portrait dans la chambre d'un garçon de 14 ans, qu'est-ce qu'elle va s'imaginer, après ??*
*Rectifie le tir tant que tu peux !*

"Enfin, je veux dire...quand j'étais enfant, j'ai eu des cours de danse et vous étiez cité en exemple. Je me débrouillais pas trop mal mais j'ai arrêté juste avant d'aller à Poudlard...pour me...consacrer à mes études *et j'en ai bien besoin!* Et depuis... j'ai redécoré ma chambre."

Essayant de sortir du bourbier où il pensait s'être mis (ou plutôt avoir sauté à pieds joints et en faisant de grands moulinets pour s'enfoncer plus vite), il se tourna vers son amie.

"Et maintenant...si on... allait vers le train ?"

*Ainsi, je ne ressemble à personne ? Je le savais déjà... mais pas forcément comme le pense papa-Laya. Il est plutôt sympathique.*
Peter se mit à envier Laya d'avoir un père d'abord, et un père sympa d'autre part.

Quant à la mère de Laya, elle était carrément trop belle et trop connue.

Le gryffondor essaya de se frayer un chemin dans la foule mais il y avait vraiment beaucoup de monde *pourtant, on est arrivé en avance !* Sans réfléchir, il prit la main de Laya et tenta de jouer de son embonpoint pour passer. Jugeant qu'il était à une distance suffisante des parents de son amie et près du train, il put s'arrêter et se retourner vers la jolie serdaigle.

"Tes parents sont vraiment...très sympas. Ton père parle bien. Et ta mère est trop belle ! Ils ont l'air de beaucoup t'aimer. " *Et inversement*.

Avouant son envie, et sachant qu'il ne pourrait jamais présenter ses parents comme Laya vient de le faire avec lui, il compléta, en baissant un peu les yeux :
"Je ne pourrai pas te rendre la pareille, désolé. Je... Je n'ai jamais conu mon père."
Ce genre de choses, il ne l'avait dit à personne, pas même à James. La plupart du temps, il éludait. Mais cette fois-ci, il avait envie d'en parler.

Venant juste de quitter ses parents, elle ne réagit pas vraiment au contact de la main de Peter. Comme ils étaient encore bien présents à son esprit, elle fit l'amalgame facilement. Mais elle se réveilla un peu quand Pete retrouva l'usage de la parole. Elle même retrouva l'usage du sourire. Mais il perdit son éclat à la suite de ses paroles.

- Je... l'ignorais. Tu ne me l'as jamais dit.

Ne venait-elle pas, du coup, de commettre une grosse bourde en lui vendant à la criée les charmes de ses parents? Sur le coup, elle se rendit compte d'avoir été très indélicate. Elle n'avait pas d'excuses: il lui avait clairement montré qu'il préférait ne pas les rencontrer.

- Tu ne sais rien de lui? Comment s'est passée ton enfance? Enfin... si ça te gêne d'en parler...

Si ça le gênait d'en parler ? Probablement...il avait gardé cela en lui depuis tant d'années. Mais il connaissait Laya depuis sa Première Année, il savait qu'elle ne se moquerait pas de lui.
Souvent, il avait pensé se confier à Rémus mais il avait trop peur qu'il en parle ensuite à Sirius et James. Peter ne voulait surtout pas que ces deux amis espiègles se doutent de quoi que ce soit.

La serdaigle, par contre, ne s'entendait pas trop avec Potter et Black, il n'y avait aucun risque.

*Mais il y a trop de monde.*

Toujours à jouer de son embonpoint, il entraîna son amie à l'intérieur d'un refuge, des bancs entourés de vitres, fermés par des portes, comme un îlot au milieu de tout ce monde dans la gare. Personne, apparemment, ne songeait à s'asseoir, parents et enfants étaient sur le quai à saluer les autres, à se raconter leurs vacances... Le son paraissait étouffé à l'intérieur de ces vitres, ce qui accentuait l'impression d'îlot sécurisant, comme un endroit hors du temps.
Le gryffondor se retourna vers la bleu-et-bronze, un air tragique sur son gros visage.

"Ce que je vais te dire, je n'en ai parlé à personne et personne ne doit savoir. On est bien d'accord ?"

- On est bien d'accord, tu as ma parole.

Elle aurait donc une quelconque avance par rapport à son groupe Gryffondor? Même eux ignoraient ça? Malgré son bagout et son caractère, Laya manquait de quelque chose qu'elle nommait confiance en soit. Même si ça devait être d'avantage d'un compagnon permanent, d'une présence rassurante avec qui elle pourrait s'épanouir sans partage et sans interruption. Aussi, elle se demanda si elle était vraiment la bonne personne à qui confier des secrets pharaoniques.

Elle fut même sur le point d'interrompre Peter. Il lui confierait son passé, et tous deux vivraient un vrai moment tranquille et confortable d'intimité. Elle savait pertinemment qu'il romprait tout ça en se levant, s'excusant, et filant rejoindre ses compagnons pour le voyage. Elle resterait seule, le secret des Templiers en poche, et pourtant, pas plus accompagnée qu'avant. Le trajet un coin du front sur la vitre, elle ne connaissait que ça, à dire vrai. Et pourtant non, elle fut incapable de l'interrompre.

Après que son amie lui ait donné sa parole, le gros garçon se retourna, la main sur son front. Personne pour entrer et l'interrompre ? Il le souhaiterait presque.

*Allez, il faut se lancer. Cela fait trop longtemps que tu gardes ça, mon vieux.*

"Je ne t'ai jamais parlé de mon père et je t'ai donné le strict minimum sur ma mère. Voilà pourquoi. Je n'ai jamais été désiré. Ma mère a dit oui à un homme de passage qui l'a laissé tomber bien vite, sitôt qu'elle s'est trouvée enceinte. Encore maintenant, j'ignore qui était mon père.

*Vais-je lui dire que je soupconne Slughorn, le prof de potions ? Non, vaut mieux pas, je n'ai aucune preuve. Et il faudrait que je raconte ma folle équipée à Sainte Mangouste lors de ma Première Année... Qu'est-ce que j'étais bête, à l'époque !*

"Tes parents ont l'air très sympa, formidables. Pas moi. Ma mère n'a pas arrêté de me couver, elle ne me laissait rien faire, j'ai vécu mes onze premières années dans du coton, ça me dégoûtait! Elle, et son idéal Poufsouffle à la noix !!"

Maintenant qu'il était lançé sur sa molle génitrice, le gros gryffondor laissa éclater sa colère, il fit les cent pas sans se rendre compte que sa bagutte scintillait dans sa poche, en réaction à son humeur, comme si il était encore un enfant faisant de la magie involontairement.

"Elle ne m'a jamais encouragé à quoi que ce soit à part ne pas faire de vagues, ne pas travailler, dire oui à tout. Encore maintenant, elle me traite comme un enfant de cinq ans. Elle m'étouffe! Elle est insupportable, mielleuse, condescendante ! Et je subis ça depuis quinze ans !! Je suis son grand échec, elle n'a pas cessé de penser que je suis un accident ! C'est pour ça que j'aime Poudlard, malgrè tous ses dangers. je préfère cinq Forêt interdite plutôt que de rester encore seul avec ma mère. Je la hais! Je la hais !"

Pettigrow frappa du poing sur le mur, ses incisives devenant d'un coup un peu plus longues et son regard confirmant la haine qu'il portait en lui. Les néons de l'abri explosèrent en même temps rendant l'abri assez obscur, sa baguette perca sa poche et tomba par terre, le bout illuminé d'étincelles. A cette lumière se reflétait les longues dents et les petits yeux luisants, comme celles d'un rat, du futur mangemort, qui s'est arrêté de parler et de bouger, toujours le poing sur le mur.

Laya avait de brusques mouvements de tête au fur et à mesure qu'un nouveau choc éclatait. Le coup sur le mur la fit sursauter. Les néons du plafond la releva de sa banquette. Et au milieu de ce raffut, un flot de paroles haineuses et maudissantes. Pourtant, elle n'avait pas peur, l'idée ne l'avait pas effleurée: même si elle venait de le perdre de vue, c'était toujours Peter, son Pete connu de toujours. Jamais elle ne pourrait craindre quelque chose de lui. Elle murmura doucement son nom, juste pour être bien sûre de l'être qu'elle avait devant elle. Mordious... d'où sortait-il ces incisives! Mais sans trop savoir pourquoi elle s'exclama plus fort, d'un ton presque autoritaire.

- Peter!

Dans les situations très tendues, elle avait en général un comportement étrangement réfléchi, et pourtant, jamais elle ne se rendait vraiment compte de ce qu'elle faisait, agissant sous l'impulsion. Sa voix s'était faite vraiment rauque et caverneuse, elle avait cru entendre un rugissement résonner quelque part.

Lentement, mais avec une assurance que personne n'aurait osé défier, elle pointa sa propre baguette sur le visage de son ami. La pointe s'illumina sans qu'elle ne dise rien. La lumière se reflétait sur son visage et lui conférait une beauté empreinte de douceur, démentie pourtant par l'éclat de ses yeux dorés. Elle avança vers lui, la baguette toujours tendue, le faisant lentement reculer, puis se rasseoir. Il y avait des jours comme ça, où elle imposait naturellement le respect.

Entendre son nom de la bouche de son amie fit d'un coup reprendre ses esprits au petit gryffondor. Ce fut comme un feulement et il crut voir à travers la lumière de la baguette de la serdaigle, comme une panthère noire aux yeux luisants si caractéristiques des félins.

Alors, ses incisives reprirent, sans qu'il s'en rende compte, leur taille habituelle (c'est à dire grandes tout de même) et il réalisa qu'il avait utilisé, même inconsiemment des pouvoirs magiques dans un lieu fréquenté par des moldus.

*Je vais être renvoyé...*

Il recula sous la lumière de la baguette de son amie avant de réaliser autre chose:
*Elle a utilisé Lumos; Elle va être renvoyée aussi, et ce sera ma faute.*

Effondré, il s'assit et la regarda d'un air si effrayé qu'elle crut sans doute que c'était lié à elle.

"Laya... Qu'est-ce que je viens de faire? excuse-moi, vraiment excuse-moi..."

Mais toutes les excuses du monde ne suffiraient pas pour lui. Il se mit à pleurer doucement, avec des petits cris aigus. Bouleversé comme il l'était, il ne savait bien sûr pas que personne au ministère ne pouvait se douter que la magie a été réalisée par des sorciers de Premier cycle dans un endroit si fréquenté par les sorciers adultes comme l'est King's Cross le 1er septembre...

Jamais, dans sa sympathique et banale petite vie, elle n'avait encore connu de pareille réaction. Les explosions, elle connaissait celles de sa mère et les admirait avec émerveillement... et une grande distance. Mais Peter ne l'avait pas habituée à ces crises de nerfs. Oh non, elle n'avait jamais su consoler, ou même être simplement réconfortante pour ses proches... Faute de trouver par elle-même la meilleure réaction à adopter, elle choisit l'attitude protectrice et étonnamment rassurante de Rhett Butler, dans le livre qu'elle lisait en ce moment.

Ne voyant pas trop par quel procédé relever le garçon vers elle, elle fut contrainte de s'asseoir à côté de lui. Elle le prit dans ses bras, passa une main douce et fraîche derrière sa tête et vint caler sa tête dans le creux entre son épaule arrondie et son cou fragile Ca lui éviterait au moins de voir le plus terrible des malheurs envahir la figure de son ami.

- Tu viens juste de m'éternuer au nez environ 13 ans de ta vie. Tu n'as pas à t'excuser, mon Pete.

Tu aurais dû me faire savoir ça plus tôt, mon grand. Les verreries des environs auraient pu rester intactes, du coup.

Son oreille fine était tendue, pour discerner une accalmie dans sa respiration sifflante. On aurait dit une petite bestiole terrifiée de se retrouver dans une souricière. Après une ou deux minutes, elle se demanda soudain si son geste avait été la meilleure idée qui soit: après tout, il venait de lui révéler avec fracas que sa mère était trop protectrice, et tout ce qu'elle trouvait à faire était justement un geste maternel!